Axelle Kaulanjan a d’abord été professeure de Philosophie et journaliste. Elle a aussi occupé les postes de directrice de la communication du Ministère du commerce et de l’industrie d’Haïti, et de consultante en communication politique pour la Banque Inter Américaine de Développement en Haïti. Cofondatrice d’un site pan caribéen d’informations, en 2008, elle collabore aussi aux colonnes de “Le Progrès Social”, journal guadeloupéen. Elle est aussi co-auteure, avec Mylène Colmar, de l’ouvrage journalistique Abécédaire LKP. Clés analytiques et critiques du mouvement (Editions Ibis Rouge, 2012). Axelle Kaulanjan est aujourd’hui directrice du cabinet Axelle Kaulanjan Consulting, spécialisé en communication politique, gestion de crise et coopération et diplomatie caribéennes, et fondatrice de Caribbean Boss Lady.
RB: Tell us about your entrepreneurship journey. How did Caribbean Boss Lady come about?
AK: Je viens d’une famille qui a toujours encouragé mes projets, même ceux qui pouvaient sembler les plus fous. Je crois que je tiens ma fibre entrepreneuriale de ma mère qui, elle-même, vient d’une famille qui a une longue tradition de femmes entrepreneures. J’ai suivi des études universitaires qui me destinaient à être, au choix, soit professeur, administrative politique enfermée dans un bureau, voire même diplomate. Mais toutes ces perspectives ne me satisfaisaient pas, et très vite, le besoin d’entreprendre, pour réaliser ma vision dans des secteurs bien précis, m’a rattrapée. J’avais une vingtaine d’années lorsque j’ai lancé ma première entreprise, un site d’information pan-caribéen basé en Guadeloupe. Après des années à développer ce produit, j’ai estimé que j’avais fait ma part, et j’avais surtout besoin d’autres challenges, et depuis je me dédie au développement de mon cabinet de consulting.
RB: What is your definition of a boss lady?
AK: C’est un terme de plus en plus utilisé sur la toile pour désigner la femme en position de leadership, qui inspire, qui fait le job, qui n’abandonne jamais, qui a toujours le contrôle et qui sait ce qu’elle fait. Une femme qui déploie des stratégies construites afin d’atteindre des buts professionnels. Une femme qui sait aussi être une source d’inspiration pour les autres femmes, en partageant son expérience et ses conseils, de façon bienveillante. Une femme qui mérite le respect et qui inspire le respect à ses semblables. Et, par-dessus tout, une femme qui assume son leadership et ne s’en excuse pas.
RB: You have worked in the political space in Haiti. When did you decide to shift to entrepreneurship?
AK: J’ai commencé par entreprendre chez moi, en Guadeloupe, dès mon plus jeune âge, et j’ai toujours entrepris, même lorsque j’ai eu le statut de salarié. C’est un vrai moteur pour moi. Avant Haïti, j’ai eu des expériences d’entrepreneure, notamment avec le site d’information et mon cabinet de consulting qui a été mieux qu’un CV pour me faire connaître auprès de potentiels employeurs qui connaissent et remarquent mon travail. Après la fin de mon contrat en Haïti, qui a aussi coïncidé avec mon accouchement, j’ai décidé de relancer mon cabinet de consulting. Haïti a été un véritable booster d’expérience professionnelle pour moi. En moins de trois ans, j’ai acquis au moins 10 ans d’expérience aux côtés de pointures internationales, et surtout aux côtés du Professeur Wilson Laleau, le Ministre pour lequel je travaillais à l’époque. Sa rigueur, son patriotisme, et son « sens du pays » ont eu un impact considérable sur ma façon d’envisager le sens de mon travail et l’application, le sérieux et la solennité que j’y mets.
RB: You are also the owner of Axelle Kaulanjan Consulting, please tell us more about the services you provide here.
AK: Quand Olivia Pope n’est pas disponible dans la Caraïbe, je suis là (rires !). Plus sérieusement, mon cabinet est spécialisé en communication et stratégie politiques, gestion de crise et coopération. J’accompagne aussi beaucoup les organisations et les dirigeants d’entreprises vers la conduite du changement et leur réflexion stratégique et opérationnelle.
RB: Our community aims to promote women in the French, English, Dutch and Spanish speaking Caribbean. Tell us your thoughts on French Caribbean women and entrepreneurship.
AK: Les femmes caribéennes ont l’entrepreneuriat dans le sang…même celles qui ne se déclarent pas officiellement entrepreneures. Dans la Caraïbe, des particularités historiques et sociologiques font que très souvent les femmes sont au centre de tout et doivent tout gérer…seules bien souvent. Gérer, trouver des solutions, c’est l’essence même d’un chef d’entreprise…même quand il s’agit de la famille. Quels que soient les territoires concernés dans la Grande Caraïbe, c’est une constante que l’on retrouve : se battre au quotidien pour offrir le meilleur à sa famille, s’élever par le travail et le mérite. C’est un vrai mode de vie pour les femmes de chez nous. Dans la Caraïbe française, les femmes entreprennent presqu’autant que les hommes selon les dernières statistiques de l’INSEE. Pourtant, beaucoup reste encore à faire pour qu’elles prennent pleinement leur place dans les organisations patronales, les chambres consulaires, les conseils d’administration, etc. Pour cela, les mentalités (même celles des femmes) doivent changer. Nombre de préjugés pèsent encore sur les femmes entrepreneures, malgré leurs compétences et expertises ; et ne pas faire partie de certains « boys clubs », est aussi un frein pour elles. C’est pourquoi une initiative comme Caribbean Boss Lady est importante pour toutes ces femmes. L’idée est d’encourager le leadership et l’empowerment féminin, et faire sauter tous les préjugés et tous les freins que rencontrent les femmes. Et particulièrement les femmes entrepreneures.
RB: Caribbean Boss Lady is a Lifestyle Brand, where would you like to see it, say 5 years from now?
AK: Plus qu’une marque “lifestyle”, Caribbean Boss Lady est une organisation qui veut durablement et positivement impacter la façon dont les femmes se perçoivent et se conçoivent en tant que leaders : être plus assertives, se battre à armes équitables pour nous réaliser et être heureuses, entreprendre des choses qui ont du sens pour nous ; voilà ce que je veux accomplir avec Caribbean Boss Lady. Dans cinq ans, j’aimerais que CBL soit moins nécessaire qu’aujourd’hui, parce que le message qui est le mien aura été entendu, et que le plafond de verre que nous rencontrons aura sauté. J’aimerais voir des femmes que j’accompagne accompagner d’autres femmes à leur tour, et nous inscrire dans une logique d’empowerment. J’aimerais aussi que nombre de femmes comprennent que promouvoir l’empowerment et le leadership féminins, cela ne veut pas dire accepter n’importe quoi d’autres femmes qui font preuve de peu d’éthique, de peu de professionnalisme et qui piétinent le combat de femmes qui doivent se battre au quotidien.
RB: What are your thoughts on entrepreneurship and the role it has to play in economic development throughout the Caribbean region?
AK: Je suis convaincue que la croissance économique de notre région passe par un entrepreneuriat vigoureux, et qui s’attache à apporter des solutions innovantes non seulement à la Grande Caraïbe, mais aussi au monde entier. J’ai toujours eu cette vision de notre région comme un laboratoire du monde, et nous sommes un véritable carrefour culturel, l’un des endroits les plus sûrs du monde au vu du terrorisme, et nos ressources humaines, quand elles sont formées, sont compétentes et compétitives. Cependant, la diversité des statuts des territoires induit une diversité de fiscalités et une concurrence féroce qui ne nous permettent pas de penser une stratégie économique caribéenne cohérente avec laquelle nous aurions pourtant tous à y gagner. Je formule le vœu que les organisations de coopération et d’intégration régionales, mais aussi les pays de tutelle de certains territoires, comprennent l’importance de cela et que les outils institutionnels, fiscaux et économiques soient donnés à nos territoires pour que nous mettions en place un véritable plan de développement économique concerté et cohérent pour la région, et où l’entrepreneuriat aura toute sa place. Mais là, je pense que je suis un peu utopiste…J’ai toujours rêvé de « United States of Caribbean… », et tant que l’éducation de nos peuples n’aura pas été faite dans ce sens, cela sera complexe.
RB: What advice do you have for aspiring entrepreneurs who want to become a Caribbean Boss Lady?
AK: Croyez en vous, d’abord. Investissez en vous, devenez la meilleure dans votre domaine et faites-le savoir ! Assumez vos compétences, vos expertises et votre leadership. Accomplir les rêves des autres, c’est bien, mais accomplir les vôtres, c’est encore mieux ! J’ai passé beaucoup de temps dans l’ombre de personnes, à les aider, à les laisser s’approprier mon travail indument. Cela a été formateur bien sûr, et m’a aidé à être qui je suis aujourd’hui. Mais je sais aussi qu’aujourd’hui, affirmer quelle professionnelle je suis, affirmer mes valeurs, mes standards, et mon leadership, cela me rend aussi plus heureuse. Bien sûr, les responsabilités sont énormes, mais au bout du compte, je suis moi et je suis libre, même quand tout a l’air plus difficile. Au final, ce qui compte, c’est d’être en accord avec vos valeurs et de ne pas vous excuser de qui vous êtes.